Comment fixer la beauté pour l’éternité?

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12 mars 2014 par matvano

La Vision de Bacchus

La Vision de Bacchus (Jean Dytar – Editions Delcourt)

Vous êtes tenté par une plongée dans les ateliers des peintres vénitiens, à l’époque de la Renaissance? Alors, cet album aussi atypique que passionnant est fait pour vous. « La Vision de Bacchus », qui vient de paraître dans la collection Mirages aux éditions Delcourt, est un étonnant voyage historique et culturel auquel nous invite le dessinateur et scénariste français Jean Dytar, dont c’est seulement le deuxième album après « Le Sourire des Marionnettes », publié en 2009. Le thème central de « La Vision de Bacchus », c’est la recherche de la grâce absolue et de la beauté éternelle grâce à la peinture. C’est même devenu l’obsession de Giorgio de Castelfranco, dit Giorgione, à Venise en 1510. Atteint de la peste, qui ne va pas tarder à l’emporter, il veut à tout prix « retrouver l’éclat de sa première émotion picturale » et parvenir à fixer sur un panneau de bois une présence aussi vivante et lumineuse que la femme sur le tableau peint par Antonello de Messine pour son père des années auparavant. Une oeuvre qui, depuis lors, a disparu dans un incendie, ce qui ajoute encore à son mystère. Ce prologue est l’occasion pour Dytar de ramener le lecteur en 1475, au moment où le peintre sicilien Antonello de Messine débarque à Venise, un peu sur la pointe des pieds. Mais grâce à ses sublimes tableaux, le petit homme ne va pas tarder à devenir l’une des coqueluches de la ville. Ce qui fascine chez lui, c’est sa maîtrise de nouvelles techniques étonnantes, notamment la « camera obscura » et la peinture à l’huile. Du coup, les commandes affluent et il finit forcément par entrer en concurrence avec d’autres maîtres vénitiens, en particulier Giovanni Bellini, le grand spécialiste des tableaux d’autels pour les églises. Jusque-là, pas de véritable problème: les deux hommes sont certes des rivaux, mais ils s’apprécient. Pour Antonello, les véritables ennuis commencent lorsque le riche banquier Filippo Barbarelli lui demande, dans le plus grand des secrets, d’immortaliser la beauté de sa jeune épouse avant que celle-ci ne s’étiole. « Seriez-vous capable d’incarner par les pouvoirs de la peinture la grâce absolue d’un être? », lui demande le banquier. « Faire une image si juste et si forte que l’on pourrait sentir la chaleur de son corps, le souffle de sa respiration… » Evidemment, il trouve là les mots justes pour convaincre le fougueux sicilien, qui accepte de « fixer pour l’éternité » la beauté d’Anna, l’épouse de Barbarelli. Le hic est que cette quête de la perfection va petit à petit le faire basculer dans la folie, d’autant plus qu’il ne tarde pas à tomber sous le charme de celle qui, désormais, pose tous les soirs nue pour lui… Truffé de sublimes reproductions picturales et de clins d’oeil à des grands peintres de la Renaissance (Van Eyck, Mantegna, Titien…), « La Vision de Bacchus » réussit l’exploit de nous apprendre plein de choses tout en ne versant jamais dans le cours d’histoire de l’art ou la visite de musée. Même si le livre est particulièrement bien documenté (comme le prouve le site web de l’auteur, qui regorge d’informations intéressantes et d’anecdotes sur les coulisses de la création de l’album), Jean Dytar parvient en effet à faire oublier cet aspect documentaire grâce à une vraie histoire et à un dessin délicat et maîtrisé, qui se fond parfaitement avec le style des peintres de la Renaissance. Un récit passionné et passionnant sur les secrets qui se cachent derrière les grands tableaux.

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