Comment le « Bordel » devint « Les Demoiselles d’Avignon »
Poster un commentaire29 mars 2014 par matvano
Pablo tome 4: Picasso (Julie Birmant – Clément Oubrerie – Editions Dargaud)
Hélas, toutes les bonnes choses ont une fin… En refermant le quatrième et dernier tome de « Pablo », on est à la fois triste et heureux. Triste de quitter définitivement Pablo, Fernande, Max, Guillaume et tous ces autres personnages bohèmes et hauts en couleurs qui peuplaient Montmartre au début du XXème siècle, mais heureux d’avoir appris tant de choses sur l’histoire de l’art tout en n’ayant jamais l’impression de suivre un cours ou une conférence. On ne peut donc que remercier Julie Birmant et Clément Oubrerie de nous avoir enchantés depuis 2012 avec cette merveilleuse série consacrée à la jeunesse parisienne de Pablo Picasso. Dans ce tome 4, tout simplement baptisé « Picasso », on assiste à la dernière étape de la chrysalide artistique du génie espagnol, à savoir la transformation d’un peintre prometteur en un artiste majeur que tous les autres voient désormais comme un maître, ce qui a d’ailleurs le don de l’énerver. Avec sa peinture « Le bordel », plus connue aujourd’hui sous l’appellation plus politiquement correcte « Les Demoiselles d’Avignon », Picasso crée un nouveau mouvement: le cubisme. Il éclipse définitivement son rival Matisse et s’impose comme le nouveau chef de file de la peinture moderne. Piqué au vif, Matisse promet de couler ce « fauteur de croûtes » et cet « imposteur », mais rien n’y fait: son temps est passé. La preuve: Derain et Braque sont devenus Picassoïstes après avoir été Matissistes. Cela dit, si Pablo connaît le succès sur le plan artistique, on ne peut pas en dire autant sur le plan privé. Sa vie avec Fernande au Bateau-Lavoir, son atelier à Montmartre, est plus agitée que jamais. Le peintre demande même à sa muse de partir lorsque celle-ci décide de ramener Raymonde, une orpheline adoptée par le couple, à l’orphelinat. Pablo est furieux. C’est cette rage contre Fernande qui l’amène à transformer son « Bordel » et à déformer les cinq « demoiselles » de la peinture, comme si son pinceau devenait un poignard. La drogue et les excès en tous genres influencent également la peinture de Pablo, de même que son chagrin immense lorsque son ami Wiegels se suicide, faute d’avoir le même talent que lui. Fernande essaie une dernière fois de détourner Pablo des agitations de la ville en l’installant à la campagne, mais c’est trop tard: dans sa tête, il est déjà passé à autre chose. « Picasso va tous nous quitter », prédit Max Jacob. Basée sur les « Souvenirs intimes » de Fernande Olivier, qui fut la première compagne de Picasso, la série « Pablo » s’achève donc avec le déménagement du peintre espagnol de Montmartre vers un appartement plus bourgeois. La vie de bohème est finie pour lui, désormais ce sont la gloire et la fortune qui l’attendent… A noter que le Musée de Montmartre consacre une exposition à la BD « Pablo » jusqu’au 31 août prochain. L’occasion d’admirer des dessins originaux et des sculptures de Clément Oubrerie, mais aussi de replonger dans les décors et les personnages qui ont inspiré les deux auteurs, en particulier le fameux atelier du Bateau-Lavoir, qui fut l’endroit où Picasso a créé ses plus grands chefs-d’oeuvre et qui fut irrémédiablement détruit par un incendie en 1970.