Un dernier « Blast » en pleine tronche

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10 avril 2014 par matvano

Blast tome 4

Pourvu que les Bouddhistes se trompent (Manu Larcenet – Editions Dargaud)

Ca y est! Après quatre ans de travail acharné et plus de 800 pages d’une noirceur absolue et glaçante, Manu Larcenet est arrivé au bout de l’aventure « Blast ». En refermant « Pourvu que les Bouddhistes se trompent », le quatrième et dernier tome de la série, on est sonné par tant de fêlures et de souffrances humaines, mais dans le même temps, on ne peut qu’être admiratif devant la maîtrise de bout en bout de la part de Larcenet, tant au niveau du récit qu’au niveau graphique. « Blast » est véritablement une BD hors normes. Y compris au niveau de sa forme, puisqu’elle mélange les genres. Après avoir utilisé des dessins d’enfants dans les tomes précédents, Larcenet utilise deux nouvelles trouvailles visuelles dans ce tome 4: des strips mettant en scène « Jasper, l’ours bipolaire » et des collages obsessionnels de femmes nues et déformées. Et puis, comme s’il voulait faire contrepoids par rapport à la sauvagerie de ses personnages, Larcenet consacre également plusieurs planches muettes et superbes à la beauté de la nature. Car finalement, c’est seulement là, au milieu des arbres et des animaux, que son héros parvient véritablement à trouver la paix intérieure. Pour rappel, « Blast » raconte le parcours tragique et sanglant de Polza Mancini, un écrivain corpulent qui décide de tout plaquer du jour au lendemain pour errer sur les routes et dans les bois. Une errance au cours de laquelle il va faire beaucoup de mauvaises rencontres. C’est encore le cas dans cet ultime épisode de la série, puisqu’il est hébergé par Roland Oudinot, un dangereux violeur en série, et par sa fille Carole. Cette dernière est l’autre personnage central de la saga, puisque Polza est suspecté par la police de l’avoir assassinée. Son long interrogatoire constitue le fil rouge des 4 albums. Dans « Pourvu que les Bouddhistes se trompent », on va enfin obtenir des réponses à quelques-unes des questions que les deux inspecteurs se posent à son sujet. Cela dit, Larcenet est suffisamment habile pour ne pas nous livrer toutes les clés. Il restera donc toujours une grosse part de mystère autour de Polza, même si on devine dans ce tome 4 que les « blasts », ces sortes de déflagrations intérieures qu’il ressent par moments (surtout lorsqu’il prend de la drogue), jouent sans doute un rôle beaucoup plus néfaste que ce que l’on pensait jusque-là… Ce n’est vraiment pas prendre un grand risque que d’affirmer que « Blast » marquera sans doute l’histoire de la BD. On pourrait même parler d’un chef d’oeuvre, tant le roman graphique de Manu Larcenet est d’une intensité hors du commun. L’auteur y a vraiment laissé libre cours à son côté le plus sombre, révélant ainsi un visage souvent effrayant mais aussi et surtout très humain, avec tout ce que cela implique comme failles. A vrai dire, on se demandait un peu comment Larcenet allait bien pouvoir clôturer une histoire aussi hors du commun. Avec « Pourvu que les Bouddhistes se trompent », il balaye ces doutes et prouve définitivement qu’il est bel et bien un des tout grands de la BD contemporaine.

3 réflexions sur “Un dernier « Blast » en pleine tronche

  1. rêveur.357 dit :

    Oui, oui, tout cela est bel et bien bon. Mais je suis un peu déçu. J’espérais que le « blast » serait autre chose qu’un délire paranoïaque – ai-je bien compris la fin ? – et soit plus proche par exemple d’un trip sous LSD, mais sans LSD ! Restent les innovations que vous citez – insertions de graphismes, peintures et autres collages (splendides) d’amis auteurs – qui tirent cette BD vers le haut. Chef d’oeuvre alors ? Peut-être, mais je préfère continuer d’attribuer cette mention au « Combat ordinaire » pour la dimension sociale d’icelui. Ce n’est que mon avis, bien sûr. Sans renier d’aucune façon la qualité du travail de ML : mélange judicieux du noir et blanc et de la couleur, scénario parfaitement maitrisé et ce qui m’a beaucoup impressionné, capacité à nous présenter quelque chose d’infiniment différent de tout ce qu’il avait fait jusque-là. Restant conscient qu’en en espérant plus, peut-être trop, ma petite déception m’amène à être bien trop dur avec un de mes auteurs/dessinateurs contemporains préférés : qui aime bien, châtie bien, dit-on…

  2. Sébastien dit :

    Chef d’œuvre, sans hésitation. Une des plus puissantes bds que j’ai lue. Et cependant, je trouve également que l’épilogue est décevant et ne laisse malheureusement que trop peu de part au mystère en réalité, pour rabattre le mysticisme indomptable de Polza sur une condamnation sordide. Il reste que l’art graphique et l’orchestration narrative sont sans faille jusqu’à la fin. C’est plutôt une diminution d’intensité, une conclusion hâtive sur un mode rationaliste inattendu qui sape toute l’ascension si victorieusement acquise jusque-là. On choisira alors de rester suspendu, dans les sommets du Blast pendant trois tomes et demi, en leur rendant tout leur mystère qui n’oblige à aucune sanction décisive appuyée sur la preuve, et qui, par la même, interroge, tant par son langage visuel que par son récit décalé, l’ensemble de nos certitudes. Alors que l’épilogue risquerait de rassurer le sommeil tranquille du Bourgeois en renvoyant cet inclassable parcours à celui d’un psychopathe qui s’ignore.

  3. […] est déjà de retour. Un an seulement après avoir conclu de maîtresse façon la terrible saga « Blast », qui lui avait pourtant demandé une énorme débauche d’énergie, l’auteur français […]

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