Avec « Blast », Larcenet bascule du côté obscur

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6 janvier 2013 par matvano

Blast tome 3

Blast tome 3: La tête la première (Manu Larcenet – Editions Dargaud)

Manu Larcenet est un atout majeur de la nouvelle génération d’auteurs de BD français, au même titre que Joann Sfar et Christophe Blain. Tous trois ont une manière unique de raconter des histoires, tout en innovant sans cesse sur le plan graphique. Tous trois ont aussi pour habitude de sortir totalement des sentiers battus et des formats habituels. Avec pour résultat la production d’OVNI ensorcelants et captivants, tels que ce « Blast » par exemple. Ayant démarré dans la BD chez « Fluide Glacial » au milieu des années 90, Manu Larcenet ne cesse depuis lors de monter de puissance. Il nous a amusés avec « Le retour à la terre » (avec Jean-Yves Ferri au scénario), une chronique hilarante sur un dessinateur citadin qui s’installe à la campagne. Il nous a émus avec « Le combat ordinaire », un roman graphique formidable sur un photographe en quête de sens. Avec « Blast », il nous met carrément un coup de poing graphique et narratif dans la figure, en signant une oeuvre âpre et violente où s’entremêlent autodestruction, violence et schizophrénie, mais aussi retour à la nature et quête d’identité… Tout un programme! Démarrée avec « Grasse carcasse » en 2009 puis « L’apocalypse selon Saint-Jacky » deux ans plus tard, cette série glauque et hors-normes se poursuit avec « La tête la première », paru il y a quelques semaines. Elle devrait se terminer dans les mois à venir, avec la parution du quatrième et dernier album de la série. Initialement, Larcenet était parti sur une histoire en 5 tomes, mais finalement il a préféré limiter « Blast » à quatre épisodes, comme il l’a expliqué en avril 2011 dans « La Libre ». Ce qui fera tout de même quelque 800 pages au total! « C’est très très dur, et c’est en partie pour ça que ça se fera en quatre tomes et pas en cinq », explique-t-il. « Je deviens insupportable envers mes proches, parce que pour que le personnage de Polza soit crédible, il faut que je le joue ». Polza Mancini, c’est le personnage central de « Blast ». A la base, il s’agit d’un écrivain de livres de cuisine ayant poussé l’amour de la nourriture jusqu’à devenir obèse, essentiellement parce qu’il se nourrit avant tout de barres chocolatées et qu’il ingurgite une quantité invraisemblable d’alcool. Mais surtout, Polza est suspecté par la police d’être l’auteur d’une violente agression contre une jeune fille nommée Carole Oudinot. Interrogé par deux policiers qui cherchent à comprendre ce qui a bien pu se passer dans la tête de cet homme fêlé, c’est Polza lui-même qui, (très) progressivement, nous livre les clés de son parcours autodestructeur. Un mélange paradoxal de suicide lent et de renaissance, qui commence le jour de la mort de son père, lorsqu’il fait l’expérience de son premier « Blast » (une sorte de déflagration intérieure qui l’amène à flotter dans les airs et à voir de gigantesques statues de l’île de Pâques…). Suite à cet épisode, il décide de tout quitter pour vivre en solitaire dans les bois, au contact (très dur) de la nature et d’autres marginaux plus ou moins sympathiques. Dans « La tête la première », on fait enfin la connaissance de Carole Oudinot, dont le nom était simplement évoqué dans les deux premiers albums. On y découvre également la suite des pérégrinations de Polza, qui n’arrange pas son cas en s’échappant violemment de l’asile pyschiatrique dans lequel on l’a interné et en se faisant agresser encore plus violemment par deux frères sadiques prénommés Vladimir et Ilitch. Tout comme les deux tomes précédents, ce troisième tome est archi-noir et révèle à nouveau quelques-unes des obsessions de Larcenet (sa relation avec son père, sa fascination pour l’automutilation, sa difficulté à accepter le regard des autres sur son poids…). Tout comme les deux premiers tomes, il est également superbe d’un point de vue graphique, avec à nouveau l’utilisation de dessins d’enfants (ceux de l’auteur) mais aussi de collages qui apportent des touches de couleur au noir et blanc très expressionniste de l’auteur. Un ouvrage dur et dérangeant, mais également sensible et très personnel. Un grand moment de bande dessinée.

2 réflexions sur “Avec « Blast », Larcenet bascule du côté obscur

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  2. […] « Blast », après « Le Rapport de Brodeck », Manu Larcenet poursuit son exploration de […]

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