Tardi au sommet de son art

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29 décembre 2012 par matvano

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Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B (Tardi – Editions Casterman)

Plus que jamais, Tardi mérite sa place au Panthéon de la bande dessinée! Le prolifique auteur français avait déjà signé quelques chefs d’oeuvre (« Ici-Même », « C’était la guerre des tranchées », « 120 rue de la Gare », pour ne citer que ces trois-là) mais « Stalag II B » marque clairement une nouvelle étape majeure dans sa carrière. On pourrait même presque parler d’un aboutissement, tant cet ouvrage très personnel (c’est la première fois que Tardi se livre comme ça) nous permet de mieux comprendre l’ensemble de l’oeuvre de Jacques Tardi. En découvrant les années terribles vécues par René, le père de l’auteur, dans le camp de prisonniers Stalag II B, on perçoit ce qui a amené Tardi à se passionner pour des auteurs très noirs tels que Céline, Léo Malet ou Jean-Patrick Manchette et on comprend pourquoi ses personnages ont depuis toujours ce ton très cynique, désabusé et violemment anti-militaire. Dans les livres de Jacques, on retrouve en réalité toute la frustration vécue par René durant la Seconde guerre mondiale, et qu’il n’a cessé de ruminer et de ressasser tout le restant de sa vie. Engagé volontaire dans l’armée française dès 1935 (car il pressentait qu’une nouvelle guerre était imminente), celui-ci vit d’abord la débandade de l’Armée française en mai 1940 comme une véritable trahison de la part d’officiers incapables. Ensuite, une fois arrêté, il passe quatre ans et huit mois dans le camp de Stalag II B, en Poméranie, complètement à l’Est de l’Allemagne (dans l’actuelle Pologne). Les conditions y sont effroyables et les vexations quotidiennes. Pour ne rien arranger, il y assiste au rapprochement entre l’Armée allemande et le régime de Vichy, ce qui ne fait qu’accroître son ressentiment contre cette France qui, non seulement, l’a abandonné mais, en plus, le trahit. On peut faire un parallèle entre « Stalag II B » et « Maus » d’Art Spiegelman, même si Tardi lui-même n’aime pas qu’on fasse cette comparaison. Comme l’auteur américain, Jacques Tardi s’appuie en effet sur le témoignage de son père. Comme Spiegelman, Tardi a également pris le temps de mûrir ce témoignage avant de le transformer en un scénario de BD fort et émouvant. Beaucoup de temps même, puisque René Tardi a rédigé ses mémoires du camp Stalag II B au début des années 80, à la demande de son fils. Et il est mort en 1986. « Combien je regrette de ne pas lui avoir posé certaines questions alors qu’il en était encore temps », note Jacques dans la préface du livre. Il n’empêche: l’auteur est parvenu à transformer les trois carnets de notes laissés par son père en un brillant témoignage sur la vie quotidienne d’un prisonnier de guerre durant la Seconde guerre mondiale. Et il a choisi pour ce faire la forme d’un dialogue entre le père et son fils, même si à cette époque-là, le petit Jacques n’était pas encore né. Un choix qui fait mouche, tant au niveau du dessin (véritablement bluffant dans cet album) qu’au niveau de la narration. Autrement dit: si vous ne deviez lire qu’un album de BD publié en 2012, choisissez « Stalag II B »! A noter qu’une deuxième partie devrait sortir dans les mois ou les années à venir. On s’en lèche déjà les babines.

5 réflexions sur “Tardi au sommet de son art

  1. […] partie de la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2013 (tout comme Apollinaire et Stalag IIB), « Le singe de Hartlepool » est une fable tragi-comique sur la bêtise […]

  2. […] de s’attaquer à l’épisode des tranchées. "Je faisais un complexe vis à vis de Tardi. Du coup, je n’ai rien relu de ses oeuvres avant de me lancer", explique-t-elle dans une […]

  3. Sébastien dit :

    Je n’ai eu l’occasion de lire que le début de l’ouvrage et Tardi reste encore pour moi un auteur à découvrir, mais j’ai été effectivement bluffé. Je suis encore sous l’impression très prégnante du narrateur et du père se croisant sur la scène des combats que déroule le récit du père.

  4. […] Il y a deux ans, Tardi se lançait à l’assaut de la Seconde Guerre mondiale, en publiant le premier des trois tomes de « Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B ». […]

  5. […] (en l’occurrence un best-seller signé Philippe Claudel), il se place au niveau d’un Tardi ou d’un Comès dans sa maîtrise du noir et blanc. Ce qui frappe surtout dans ce nouvel […]

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