INTERVIEW – Léonie Bischoff: « J’ai rangé des caisses et des caisses de livres de Camilla Läckberg! »
39 mai 2015 par matvano
Suisse de naissance et Bruxelloise de coeur, la dessinatrice Léonie Bischoff vient de sortir sa deuxième adaptation BD d’un polar de l’écrivaine suédoise Camilla Läckberg, à nouveau en tandem avec le scénariste Olivier Bocquet. On sent ce duo d’auteurs de plus en plus à l’aise dans l’univers de Camilla Läckberg. Plus encore que « La princesse des glaces », « Le Prédicateur » est vraiment une belle réussite. On y retrouve les mêmes personnages principaux et les mêmes lieux que dans le premier tome, si ce n’est que cette fois, l’action ne se déroule plus dans le froid de l’hiver mais dans la canicule de l’été. De quoi donner lieu à une ambiance toute différente, plus glauque et plus poisseuse, ce qui n’est pas pour déplaire à Léonie Bischoff. Nous avons rencontré la dessinatrice dans les locaux des éditions Casterman à Bruxelles.
Après « La princesse des glaces », vous adaptez à nouveau un roman de Camilla Läckberg. Est-ce que ça veut dire que « La princesse des glaces » a bien marché au niveau des ventes ?
Oui, le premier album a plutôt bien marché. Pas tout à fait à la hauteur des espérances de l’éditeur, mais c’est quand même bien parti. De toute façon, dès le départ du projet, il était prévu avec Casterman de faire au minimum 3 tomes, avec une porte ouverte pour la suite si vraiment ça marche bien.
Vous pourriez donc adapter tous les romans de la série ?
L’idée est de faire les 3 premiers tomes assez rapidement, au rythme d’une sortie par an. Si le succès nous permet de faire une suite, ce sera plus dilué dans le temps, car tant Olivier Bocquet que moi avons d’autres projets à côté. Cela me plairait évidemment de pouvoir adapter les 7 romans de la série, mais à condition qu’on me laisse la possibilité d’alterner cette série avec d’autres projets, pour que je puisse tester aussi d’autres genres et d’autres techniques. Là, ça fait deux ans et demi que je ne fais quasiment que du Camilla Läckberg!
Quel sera le prochain livre que vous allez adapter ?
On les prend dans l’ordre de parution des romans. Le prochain sera donc « Le tailleur de pierre ». C’est important de respecter cet ordre chronologique car même si chaque livre est une enquête différente, les personnages de la série évoluent avec le temps.
Avez-vous changé votre façon de travailler entre « La princesse des glaces » et « Le prédicateur » ?
Au niveau de la technique, je n’ai pas changé, mais par contre, je sens que je progresse. J’ai parfois encore des petits problèmes au niveau de la rigidité de certains personnages mais forcément, quand on dessine 8 heures par jour, on évolue naturellement. Entre les premières planches de « La princesse des glaces » et les dernières planches de cet album-ci, on voit clairement un mieux. J’ai d’ailleurs pris plus de plaisir à dessiner ce deuxième album, dont j’aime l’ambiance plus glauque et plus proche de la folie que dans « La princesse des glaces ». Il y a des choses que je ne parviens pas encore à dessiner comme je le voudrais, mais petit à petit, j’apprends de mes erreurs et je franchis des paliers. J’aime fonctionner comme ça: je suis toujours en recherche d’amélioration.
A quoi ressemble une journée de travail typique de Léonie Bischoff ?
J’essaie d’avoir une grande discipline. Dessinatrice de BD, c’est mon métier et je le prends comme tel. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir un atelier que je partage avec d’autres dessinateurs, qui sont tous des anciens amis de Saint-Luc à Bruxelles. C’est très important pour moi de me lever le matin et de partir à l’atelier, sans prendre de distractions avec moi. Avant, je travaillais à la maison, mais c’est beaucoup plus difficile de s’autodiscipliner. L’atelier donne un cadre de travail et permet aussi d’avoir des interactions stimulantes avec les autres auteurs, car on dessine tous de manière assez différente.
Vous êtes une lectrice de polars ?
Pas spécialement, non. J’en ai lu quelques-uns, mais aucun ne m’a vraiment marquée. Je suis plus une lectrice de fantastique et de science-fiction.
Vous connaissiez Camilla Läckberg avant ?
Oui, avant même que Casterman me parle de ce projet d’adaptation, je connaissais bien l’ampleur du phénomène Camilla Läckberg, car j’ai travaillé pendant un temps à la Fnac et j’ai rangé des caisses et des caisses de ses livres dans les rayons du magasin! (rires)
Avez-vous déjà rencontré Camilla Läckberg ?
Oui, très brièvement, au festival Quais du Polar à Lyon. Mais hélas, pas de vrai rendez-vous avec elle, car elle est trop occupée. C’est une vraie super-star!
A-t-elle lu votre adaptation ?
Au début, on ne savait pas si elle l’avait lue. C’était même un peu angoissant, car lorsqu’on travaillait sur le premier livre, on croyait qu’on devait attendre sa validation avant de passer du synopsis et du story-board à la version finale. Mais cette validation ne venait pas. A un moment donné, on a donc dû passer au définitif et du coup, on a toujours vécu avec l’appréhension, même au moment où le bouquin a été imprimé, de recevoir tout à coup une réaction négative de la part des ayants droit. On se disait: et si ça ne leur plaît pas? Et si tout à coup, ils font un drame? Finalement, quand on a pu croiser Camilla Läckberg, elle nous a dit qu’elle trouvait le livre très beau. On était contents!
Votre adaptation va-t-elle être traduite aussi en suédois?
Pour l’instant, elle a été traduite en espagnol et en italien, j’espère bientôt en anglais, mais pas encore en suédois. Malheureusement, la Suède n’est pas un pays de BD et ils ne connaissent pas trop le format du roman graphique. Cela dit, je pense que ça peut encore venir, car Camilla Läckberg est vraiment une grande star là-bas.
Comment travaillez-vous avec Olivier Bocquet ? Avez-vous votre mot à dire sur le scénario ?
Oui, tout à fait. On lit d’abord le roman chacun de notre côté, afin de se faire chacun son idée des lieux et des personnages. Ensuite, on garde une répartition des rôles assez claire, mais j’ai totalement mon mot à dire sur le scénario et lui a totalement son mot à dire sur le dessin. On a beaucoup d’interactions, surtout au moment de l’étape du story-board dessiné. En général, Olivier accepte très bien mes suggestions et mes remarques, sauf quand il a une idée bien précise en tête, que je n’avais pas forcément captée, mais qui prend tout son sens lorsqu’il me l’explique. Olivier est quelqu’un qui ne fait rien au hasard: que ce soit le cadrage ou le rythme, tout est hyper pensé.
« On a longtemps vécu avec l’appréhension de recevoir tout à coup une réaction négative de la part des ayants droit. On se disait: et si ça ne leur plaît pas? Et si tout à coup, ils font un drame? »
Vous êtes Suisse d’origine mais Bruxelloise d’adoption. Pourquoi Bruxelles ? Est-ce une ville qui vous inspire ?
A la base, j’étais venue à Bruxelles pour l’école Saint-Luc. Et puis je suis restée, car j’ai adoré la ville et j’y ai rencontré des gens super. A un moment donné, je suis partie habiter à Angers puis à Paris pendant quelques années mais finalement, avec mon compagnon qui est aussi dessinateur, nous sommes revenus vivre à Bruxelles en 2010. On y a retrouvé d’anciens collègues de classe, avec qui on a fondé l’atelier. Si on habite à Bruxelles, c’est aussi pour des raisons financières. C’est une ville où la vie reste abordable et où le statut d’auteur est assez intéressant. Avant, on avait tous les deux des jobs alimentaires sur le côté, moi à la Fnac et lui au McDo, mais lorsqu’on signe un contrat avec Casterman et qu’on a un an pour faire un album, on n’a plus le temps d’avoir un job sur le côté. Du coup, ce n’était plus possible de rester à Paris et je n’avais pas envie de retourner dans une petite ville de province. C’est pour ça qu’on est revenus à Bruxelles, qui est une ville qui nous plaît vraiment beaucoup, dans laquelle on fait plein de rencontres enrichissantes.
Y a-t-il des auteurs de BD que vous appréciez particulièrement ?
Il y en a plein! Dans ceux qui produisent encore maintenant, il y a surtout Blutch et Blain. J’aimerais aller vers ce style de dessin, plus énergique et plus lâché, dans mes futurs projets plus personnels. Je suis complètement fasciné aussi par le travail de Matsumoto, l’auteur d’Amer Béton et de Sunny. Je trouve qu’il a un côté à la fois réaliste et complètement fou, qui m’inspire beaucoup. Je passe aussi beaucoup de temps sur des sites de blogueurs, sur lesquels je navigue en fin de soirée dans un état de semi-hypnose pour me donner des envies de tester d’autres techniques et d’autres styles.
Votre dernier coup de coeur ?
Il y a quelques mois, j’ai beaucoup aimé le roman graphique « Cet été-là », des cousines Tamaki. J’aime vraiment bien ce trait au pinceau, en même temps lâché et précis.
Travaillez-vous également sur un autre projet que des adaptations de Camilla Läckberg ?
J’ai un projet en tête depuis longtemps, pour lequel je suis en train de faire un premier jet de scénario. Je ne peux pas en dire plus pour le moment, parce que ce n’est pas encore signé et je ne veux surtout pas que quelqu’un d’autre exploite mon idée, mais j’ai l’impression d’avoir trouvé un personnage qui n’a pas encore été adapté en BD et dont j’ai envie de présenter ma vision. Ce sera un gros « one-shot »: c’est tout ce que je peux dire pour le moment! (rires)
[…] Suisse de naissance et Bruxelloise de coeur, la dessinatrice Léonie Bischoff vient de sortir sa deuxième adaptation BD d'un polar de l'écrivaine suédoise Camilla Läckberg, à nouveau en tandem avec … […]
[…] tailleur de pierre » et « Le prédicateur » de ma copine Léonie Bischoff. Je lis beaucoup de BD, surtout dans les transports en […]
Super interview! Et oui, Bruxelles est vraiment uen ville où il fait bon vivre, parole de bruxelloise d’adoption 😉