Au nom du fils (Philippe Graton – Denis Lapière – Marc Bourgne – Benjamin Benéteau – Editions Graton)

Que faire d’un héros mythique né en 1957 lorsque celui-ci paraît en bout de course après 70 albums? Poursuivre ses aventures comme si de rien n’était ou tenter quelque chose de nouveau? Avec « Au nom du fils », Philippe Graton a choisi la deuxième option. Et même si les critiques sont loin d’être unanimes, on peut dire qu’il a eu raison. Présenté non pas comme le 71ème tome de la série mais comme un « Michel Vaillant – Nouvelle Saison, n°1 » (une appellation qui surfe sur l’engouement actuel pour les séries télévisées), cet album marque un nouveau départ pour le plus célèbre coureur automobile de la bande dessinée. Il donne aussi un autre ton et une autre identité graphique à la série, comme l’a fait l’album « Alix Senator » pour le personnage d’Alix, un autre mythe de la BD qui avait bien besoin d’un relifting. Pour réussir son pari, le scénariste Philippe Graton (qui est le fils de Jean Graton, le créateur de Michel Vaillant) a eu l’intelligence de faire appel à Denis Lapière, un coscénariste de renom et de talent, auquel on doit notamment le superbe « Bar du vieux Français ». Il a également fait appel à un duo de dessinateurs (Marc Bourgne et Benjamin Benéteau): le premier parvient à donner plus de naturel et fluidité aux personnages d’ordinaires plutôt raides de la série, tandis que le second est le garant des courses de voitures toujours très « gratoniennes », histoire de ne pas perdre au passage les amateurs plus traditionnels des aventures de Michel Vaillant. Mais ce qui est surtout très intéressant dans cette « nouvelle saison », c’est l’introduction de thèmes beaucoup plus actuels, en particulier l’avenir de l’industrie automobile (la société Vaillante doit-elle investir dans le développement de voitures électriques?) et la question épineuse du sponsoring (peut-on accepter de l’argent de n’importe quel généreux mécène?). Autre point positif: le retour au premier plan du clan Vaillant, et notamment des personnages d’Henri (le père râleur) et de Jean-Pierre (le frère ingénieur). A ce niveau-là, « Au nom du fils » renoue avec les premiers albums de la série (« Le grand défi », « Le pilote sans visage », « Route de nuit »), dans lesquels les relations familiales jouaient un aussi grand rôle que la course automobile elle-même. Un bémol tout de même: le personnage de Françoise, la femme de Michel Vaillant, paraît assez peu crédible dans ce nouvel épisode, dans la mesure où elle semble se moquer éperdument de la disparition de son fils… Une froideur vraiment très étonnante, qui trouvera peut-être son explication dans la suite de cette nouvelle saga, qui se déroulera en 3 tomes. En attendant la suite, on peut d’ores et déjà dire que ce Michel Vaillant nouvelle formule ne mérite peut-être pas encore la « pole position » sur la grille de départ, mais qu’il s’agit en tout cas d’un tour de chauffe plutôt encourageant.